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Essai de la Harley-DavidsonPan America 1250 Special 2023

Trail

Une Harley dans les arbres

Essai de la Pan America 1250 Special 2023

Un trail chez Harley ? Quelle idée...! Quel intérêt....? Pourquoi faire.... ? Les mêmes mots ont dû être prononcés lorsque est apparue la première Multistrada chez Ducati. Un engin totalement en décalage avec l’esprit et l’historique de la marque. Une prise de risque pour Bologne, doublée d’une forte incompréhension voire répulsion pour ses fans.
Aujourd’hui, 1/5ème de ses ventes sont des Multistrada.

De toute façon, il est devenu quasi impossible pour un constructeur d’envergure de se passer d’un gros trail. Seul Indian n’en possède pas dans sa gamme. Mais pour combien de temps...?
Harley a dû partir d’une feuille blanche, n’ayant jamais eu de modèle off-road dans son histoire. Même pas la Baja 100 des années 70, qui était une Aermacchi rebadgé H-D.

C'est un bond de géant pour la firme de Milwaukee, mais un pas délicat pour cette baroudeuse. La Pan-America interpelle, suscite l’hésitation et l’interrogation. Chaque badaud la regarde avec une légère curiosité ; chaque motard se demande qui elle est. Et à moins de tomber sur un connaisseur averti, personne n’est capable de l’identifier ni de deviner qui l’a construite.
Lâchez le mot “Harley” et le monde s’arrête. Tous n’en croient pas leurs oreilles ! Une Harley ?!? Incroyable ! Ils font ça maintenant ?

La Harley-Davidson 1250 Pan America Special en forêt
La Harley-Davidson 1250 Pan America Special en forêt

Les Harleyistes ne reconnaissent aucune caractéristique de la marque dans cette Pan America. Ni le look, ni le son, ni les matériaux utilisés. Au fur et à mesure des contacts, certains ont cru avoir affaire à une moto chinoise. D’autres à un trail japonais. Mais jamais, JAMAIS, à aucun moment quiconque ne la reconnu comme une Harley-Davidson.
D’ailleurs, en est-ce vraiment une ? La question mérite d’être posée. Surtout que la réponse n’intervient qu’après l’avoir retourné dans tous les sens.

Fab, rouleur de la nouvelle vague en Fat Bob, et Pascal, en Switchback typé FLH, devisent avec moi devant la créature quasi sans ex-libris. Ils ne sont pas tendres. Avec sa grande console centrale en plastic qui sonne toc, plus le petit badge central commençant à se décoller, le premier contact est maussade. Les pièces de support du pare-brise inspirent peu confiance, tant elles semblent frêles. Entre l’aspect général, le choix des matériaux, la perception d’une qualité douteuse, la Pan America prend une deuxième gifle : coté finition et valeur, elle n’est pas au niveau d’une production de la MoCO. Surtout pour le prix.

A l’époque de la miniaturisation, où un ABS tient dans une boîte d’allumette, comment Harley n’a t’il pas pu planquer ailleurs les bobines d’allumage.... que pile poil au niveau de la rotule du pilote !?! Ce bout d’os entre systématiquement en contact avec l’excroissance électrique. Mais ce n’est pas le plus pénible. En toute honnêteté, je pense que Harley a embauché un mec uniquement pour travailler sur la béquille latérale, avec pour consigne de faire le plus mal foutu possible. Et il a bossé dur le gars. L’ergot pour l’attraper est plaqué de manière quasi invisible sous un carter latéral, placé bien trop en avant et impossible à choper avec le talon ; un peu mieux avec les orteils mais pas top non plus. Une fois presque dépliée.... presque car le bout touche le sol avant la fin de la cinématique.... ce n’est toujours pas gagné. Sa faible inclinaison suscite une grande méfiance au moment de se libérer de la moto.

Vraiment dommage ; car à coté de cela, la Pan America dévoile de petits détails bien pensés. Les rétroviseurs ne payent pas de mine, surtout avec leurs tiges de support simplissime, mais ils sont très facilement réglables et procurent une rétrovision excellente. Le réglage de la hauteur de selle est simplissime : on l’insère dans l’emplacement supérieur ou inférieur, sans pièce à bouger. Les caoutchoucs dans les cale-pieds s'enlèvent facilement pour passer un mode grip pour l’enduro. La pédale de frein arrière permet de faire pivoter la zone d’appui pour gagne en hauteur. A chaque fonction essentielle correspond son bouton sur les commodos ; pas besoin de rentrer dans des menus et sous-menus en roulant. Les Modes de conduite se switchent à tout instant, même plein gaz.
D’ailleurs, l’électronique montre sur la Pan quelques subtilités pas déconnantes. De celles qui limitent l’optimisme délétère. Impossible de rouler “trop vite” car cette Harley plafonne à 225 km/h - une bride intervient alors que le bloc pourrait encore allonger sa foulée. Autre sécurité : il est impossible de claquer des rupteurs comme un gros sagouin façon camping des 24 heures. Avec le neutre enclenché, le crétinos moyen aura beau souder la poignée pendant des heures, le régime ne dépassera jamais les 4 000 tr/mn.

Maintenant, on peut éventuellement aller rouler, non !?! Oui, une fois que les bielles seront réveillées. Dans les bas-régimes, la sonorité sèche, avec des relents faussement agricoles, donnent l’impression que le twin sort d’une mauvaise grippe. Son feulement saccadé souffle comme un moteur… japonais ; presque proche d’un gros bi’ Suzuki comme on a connu sur la SV 1000. H-D a étrenné un tout nouveau moteur, assez alléchant sur le plan technique. Mais une fois présent dans la réalité et dans les entrailles d’une moto Harley, il suscite la méfiance. Entre son aspect, sa voix, son absence d’âme, le pauvre n’attire que des regards mauvais de la part des harleyistes.
Conservons ce regard en archive ; il aura changé après seulement quelques minutes.

Essai routier de la Pan America special 2023
Essai routier de la Pan America special 2023

Car le 1250 a du répondant dans les bielles. Dans la première moitié du compte-tours, sa force est palpable, avec de bonnes poussées à n’importe quelle sollicitation. Il est rempli à souhait, agréable, souple, peut-être un peu réticent à bas-régimes mais toujours pourvoyeur d’une bonne dose de couple. Le caractère typique Harley n’existe pas ici, et pourrait en chagriner certains. En revanche, la surprise de sa fougue calme les détracteurs. Alors que l’on s’attend à une poussée régulière jusqu’à 8 000 ou 9 000 trs, le bouilleur prend un coup de sang après les 6 200 trs. Il se renforce d’un coup, comme si 5 mkg de couple se greffait instantanément. Le régime grimpe en flèche, tandis qu’une main généreuse vous catapulte vers la vitesse. Grisant, saisissant, enthousiasmant. Voila un moteur qui sait garder du punch pour vous le balancer quand on le provoque. D’ailleurs, en conduite joyeuse voire énervée, chacun s’est fait surprendre par le rupteur - la mécanique tire un poil court et les hauts-régimes ne calment pas la bestiole.

Tout comme ses concurrentes, la Pan America est avant tout une grosse machine destinée au voyage. Un mot qui rime souvent avec autoroute. Les minutes et les kilomètres défilent, sans que la Harley ne manifeste la moindre lassitude. La Pan est ici dans son terrain de jeu, sûrement le plus adéquat (mais pas le plus marrant). Calé sur le Mode « Road », assis sur la selle de bonne épaisseur et choyé par des suspensions souples, le pilote peut dévorer le parcours en toute quiétude. 100 bornes, 200, 300. Pour ce trail-voyageur, cela ne fait guère de différence. Il en mangerait toute la journée. Il faut souligner que le confort à bord est vraiment présent d’un bout à l’autre de la route.
Ce qui empêche d’en profiter, outre le fait qu’on se fait ch… sur la grande langue d’asphalte, c’est la chaleur permanente que dégage le moteur. Du côté droit, le pied est constamment soumis aux effluves d’un petit réchaud. Gênant, sans être pénible, sauf en ville. Sur la gauche, le ventilateur souffle généreusement les calories sur une petite platine de dérivation, permettant à la chaleur de s’installer sur le genou ; puis de l'insérer jusqu’à la limite de le faire cuire. L’hiver, ce doit être un petit régal d’avoir un radiateur par-dessus le pantalon. Mais là, durant la belle saison, c’est une dissidence pénible. A se demander si les concepteurs Harley ont réellement roulé toute une journée avec leur création.

Assemblage de la Pan America
Assemblage de la Pan America

En milieu de journée, une certaine tension dans les jambes témoigne que celles-ci sont trop pliées. Il vaut donc mieux installer la selle en position haute si l’on envisage de faire pas mal de bornes. Autres défauts, la forme de la bulle engendre à son sommet une “zone de flou” d’environ 5 cm. Ce qui s’avère dérangeant quand on “cible” du regard un point de repère.
Le navigateur GPS, via l’appli du constructeur, a quelques progrès à faire. Surtout la carte : elle pivote en fonction des routes et orientations empruntés (normal, comme tous les autres systèmes) mais les noms des villes et autres points repérables tournent en même temps. Résultat, ils sont toujours de travers, à l’envers ou illisibles. Surement que le gars de la béquille a aussi participé à la cartographie…

Par contre, là où ils sont bien bossés (et la concurrence aussi), c’est pour montrer au public de belles images d’horizons lointains, avec de l’aventure pur jus. Bien sur, 90% des SUV de la catégorie ne sont pas fait pour mettre les godasses dans du tout-terrain. Un peu dans le tout-chemin, à la rigueur. Leur public ne cherche pas ça non plus. Mais, on a voulu savoir si la Pan America pouvait jouer de la caillasse comme elle se joue du bitume. Du coup, on lui a greffé des pneus plus costaud (50% route / 50% offroad) pour la sortir de sa zone de confort.
Une fois les Anakee Wild installés, son comportement change nettement. Sa direction, déjà retenue par son amortisseur de direction de m…., devient presque pataude. On sent que le train avant « colle » à la mise sur l’angle, comme si le pneu était entouré d’une peau épaisse et grasse. Le confort et la précision de conduite en pâtissent plus que sensiblement. Les routes en deviennent bien moins sympas. Jusqu’à…

Visuel de la Harley-Davidson 1250 Pan America Special
Visuel de la Harley-Davidson 1250 Pan America Special

...Que l’on emmène notre gros trail dans un terrain plus propice. Une fois engagé sur les petites routes de montagne, il retrouve de l’entrain. La direction est toujours pesante mais bien plus homogène. De tanker, la Harley devient un léger cargo, telle une machine dans ma tête, machine sourde et tempête. Le twin n’est pas avare de relance à chaque sortie d’épingle, que ce soir en deuxième, troisième ou quatrième. C’est une des autres qualités de ce moteur : le pilote peut se servir à gré du couple à mi-régimes ou de la patate dans les tours pour apprécier chaque impulsion dans les cols.

Il ne faut pas longtemps pour virer de bord vers des routes forestières, là où les troncs couchés en bord de route (ou sur la route) balisent l’aventure vers la terre ombrée, les branches perdues, l’odeur de la mousse sur les pierres et les sursauts de gravier (ou plus gros) qui vous sautent dans les mollets. Vite : le mode Offroad. Celui-ci assouplit les suspensions et laisse plus de permissivité au contrôle de traction. Une fois engagé dans la piste, la main droite peut se laisser aller à quelques débordements. La puissance déboule, libérant un son graveleux depuis le twin tandis que la roue arrière laboure généreusement le sol. Bien qu’une dose de chevaux passe dans la transmission et la poussière, l’électronique n’est pas complètement endormie et intervient – après quelques petites secondes de grivoiserie - quand le ton de nervosité du pilotage monte d’un cran. Les novices apprécieront, les amateurs éclairés un peu moins. Pour eux, Harley a prévu le Mode « Offroad + », libérant totalement le Traction Control et l’ABS.

Un choix délicat pour tous ceux ayant une faible expérience en TT. Si la Harley Pan-America se laisse emmener avec une dose de témérité quand la route ou le sentier sont faciles, son poids et son gabarit vous rappelle à l’ordre dans les épingles et les enchaînements serrés. Impossible de débouler franco dans l’épingle. L’avant est lourd et peu engageant, incitant à une approche assez calme, voire humble. De là, on force un peu la direction, avec pas mal de souplesse, puis on guide la moto avec les appuis aux pieds dans un mode semi-bucheron.
Mais ça, c’est valable pour l’enduriste de base, prudent et avec une expérience limitée. Entre les mains d’un pilote offroad confirmé, la donne change complètement et la Pan America se transforme en une machine impressionnante.

Immersion dans l'eau de la Harley-Davidson 1250 Pan America Special
Immersion dans l'eau de la Harley-Davidson 1250 Pan America Special

La vidéo (au-dessus) en dit plus que bien des mots. Entre les mains de notre essayeur offroad, la Pan atteint des vitesses et une progression hallucinantes. C’est à la fois impressionnant et surréaliste de voir un bestiau pareil serpenter dans le chemin. Un buffle avec des ailes ! L’important, c’est d’avoir du métier dans les pognes. Ce qui permet à l’Américaine de se transformer, de s’aventurer dans des endroits où certains randonneurs auraient besoin d’un piolet pour avancer. Elle ose bousculer les caillasses ; elle se joue des crevasses en sautillant telle une Jeep ; elle traverse les gués sans craindre la flotte sur sa besace. Il faut certes avoir une bonne dose d'XP enTT pour la mener au combat, sans perdre de vue qu’il faut composer savamment avec son équilibre pour compenser le poids. Mais une fois à ce niveau, il est possible d’emmener la Pan dans des sentiers où des chèvres se fouleraient une cheville.
Les béquilles électroniques brident trop le pilotage vraiment engagé. Heureusement que le contrôle de traction peut se désactiver depuis le pouce gauche. De là, l’enduriste affirmé peut plus facilement se jouer des trajectoires et des dérobades provoquées. Mais nous vous conseillons de garder les garde-fous si votre niveau n’est pas assez costaud. Quand la Pan America libère toute sa puissance dans le forestier, elle ne fait pas semblant et pourrait coucher un arbre.

J’ai vu de mes yeux vu cette Harley se tordre entre les roches, encaisser des coups à la Fight Club, se faire concasser par son poids et sa puissance sous l’impact des ornières… et garder son cap comme un bateau torturé par le capitaine Achab. Elle aurait dû rentrer avec un moteur coupé en deux, la fourche coincée dans la roue arrière et le guidon sous la selle. Mais non, seulement un radiateur percé par une caillasse. Incident que nous aurions facilement évité avec une protection adéquate - qu’arbore toutes les machines d’enduro (EXC-F, WRF, CRF-RX, etc).

Vue panoramique avec la moto
Vue panoramique avec la moto

Restituons les choses dans leur contexte. Pour une première excursion dans le monde du trail, Harley se débrouille plutôt bien. Plusieurs de ses concurrentes n’oseraient pas poser leurs jantes dans certains endroits où nous l’avons emmené.
La Pan-America ne distribue pas l’esprit Harley comme on peut le concevoir depuis ces 50 dernières années. En arpentant les chemins et les sous-bois après une virée un peu musclée, son potentiel est bluffant. Elle n’est pas encore au niveau d’une GS (laquelle s’appuie sur 40 ans d’expérience) mais mérite une attention toute particulière.
Alors oui, le prix est moins avantageux qu’avant, elle chauffe trop l’équipage, la concurrence est féroce, le monde Harley ne la reconnaît pas, elle a une tronche…… délicate. Pourtant, un signe ne trompe pas. Tous ceux qui doutaient en la découvrant sont revenus de leur essai avec un petit sourire lourd de sens.

M.B - Photos et vidéos Motoplanete

Ce qu'il faut retenir

Tarifs

France 22 190 € en France métropolitaine
Le tarif de la Harley-Davidson Pan America 1250 Special 2023 a augmenté de 2840€ par rapport au précédent modèle
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Avis

sur 1 avis d'utilisateurs
Modèle commercialisé en

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Avis (1)

français Albert Modèle 2022
J’ai eu l’opportunité d’essayer la SPECIAL avec suspension automatique qui descend à l’arrêt.
Roulant actuellement sur BMW GS 2008 toute option, et une selle plus BASSE, je m’attendais à une belle surprise. Mais non. Pas de WOUAH !
Et grosse déception à l’arrivée . La pointe de mes pieds touchaient à peine le sol. Impossible de la reculer la bête.
Dommage. Peut-être une option en vue.
Note : 3/5
français x-flr7
Je l'ai essayée également ; je mesure 1.73 et roule sans difficulté avec le Honda CRF1000 Adventure, avec la selle la plus basse ; sur la Honda, je reste sur la pointe des pieds, et sur la Pan America, j'ai bien les deux pieds à plats ; aucune difficulté pour manoeuvrer à reculons au sol (sur un sol "normal", il va de soi!). Très bonnes sensations sur un essai de 45 minutes sur toutes routes.
Ceci dit, je trouve cette moto trop gourmande (par rapport à la conso annoncée), et puis une révision tous les 8000km, je trouve cela abusif, et donc rédhibitoire.
Note : 4/5
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