Aprilia All stars
Il y a des jours, vous avez de bonnes nouvelles, mais certains fois, ce sont de très bonnes nouvelles ! C’est le cas quand Aprilia vous propose un essai de la dernière RSV4 Factory sur le circuit de Misano Adriatico à l’occasion du Aprilia All Stars. Avant même d'avoir racroché le téléphone, j'étais déjà dans ma combarde et les sliders sentaient le chaud.
Aprilia All Stars
Misano ! On ne présente plus le site - un circuit dédié au regretté Marco Simoncelli, lieu culte dans la région d’appartenance de nombreux pilotes transalpins. S'y déroulait l’Aprilia All Stars, c’est le rassemblement Aprilia à ne pas louper. L'occasion pour la marque d’exposer nombre de ses motos d’exceptions, avec notamment: la RS cube piloté par Shakey Byrne et Jeremy McWilliams en 2004, une des 1ères Motogp 4 temps, sur base de 3 cylindres 990cc affichant officiellement 235 ch. Un moteur dérivé du Cosworth de F1 qui était le seul à l’époque à offrir un rappel de soupapes pneumatique ainsi qu’un moteur tournant dans le sens inverse des roues, il y a 19 ans déjà !! (Des technologies présentent aujourd’hui sur l’ensemble du parc motogp) mais qui n’a malheureusement pas connu succès escompté. Juste à côté, la RSV 1000 qui finit 10ème lors du bol d’or 2006 et qui donna lieu à une série spéciale reprenant le même coloris, 2 RSV 1000 Superbike ex Troy Corser et Noriyuki Haga, RSV4 Superbike championne du monde ex Max Biaggi, les motorisations 2 temps n’étaient pas en reste avec des RSW250 ex Rossi, Biaggi, Capirossi, Lorenzo mais également une RS500…. Le rêve pour tout passionné de motos qui se respecte. Une intention particulière, avec plus de 15 000 personnes qui ont fait le déplacement pour cette journée, Aprilia offrira l’intégralité des recettes à la protection civile Italienne suite aux dramatiques pluie qui ont frappées l’Italie récemment. Le beau geste, à l'issu d'un week-end proche du fantasme ultime pour tout fan de Aprilia.
A quelques mètres, deux Dj’s enflamment le paddock aidés par de charmantes personnes qui vous lancent des goodies à gogo…..c’est la fiesta!!! Un peu plus loin, tous les modèles de la gamme sont exposés. Vous hésitez entre le tuono ou la RS660 ? Vous pouvez prendre place sur chacune d’elles afin d’essayer en live celle qui vous conviendrait le mieux. En tournant la tête, j’aperçois une foule amassée devant une barrière : de l’autre coté se trouve le stand Aprilia Motogp, comme si vous étiez à quelle instants du départ d’un Grand Prix, motos et pilotes qui se prêtent au jeu des photos et autographes. Vous commencez à salivez, parfait on continu. Après ce tour de paddock, allons voir ce qui se passe sur la pit-lane. En traversant un box, on croise quelques RSW 250 sur béquilles avec couvertures chauffantes, un cuchon de RSV4, RS 660, Tuono V4 et 660 Tuono, certaines en full stock, d’autres équipées d’échappement SC Project ou Akrapovic, il y en a de partout !!! Tellement absorbé par toutes ces motos (dont beaucoup d’exception), je n’avais pas remarqué que j’avais juste derrière moi une 1100 RSV4 XTRENTA, la version ultime du modèle, produite à seulement 100 exemplaires avec des mensurations à tomber : 166 kilos pour 230 chevaux - le tout pour un tarif aussi délirant de 50 000 € Hors Taxes ! Qui indique clairement la couleur ! Et oui, l’Aprilia All Star, c’est aussi l’occasion pour la marque de faire tourner ses modèles les plus prestigieux.
Sur la voie des stand, où il y beaucoup moins de monde, je croise d’ailleurs le sosie de Max Biaggi, puis celui de Maverick Vinales…..avant de percuter….que ce ne sont pas des sosies ! Le kif !!! Je suis sur la pit-lane du circuit de Misano Adriatico au beau milieu de pilotes motogp, car ils sont tous là, un rêve de gosse !! Les membres du staff Aprilia oeuvrent afin de préparer les motos avant leur entrée sur la piste. Les pneus sont chauds, les pilotes aussi !!
Vous voulez du spectacle !?! Asseyez-vous, ouvrez les mirettes et les oreilles, ça va envoyer du steack !!!! Après une bonne démo de 250, tous les pilotes vont se tirer la bourre sur les nouveaux scoot SR GT Sport 200, certes moins puissants, mais sur la piste, c’est la guerre à celui qui freinera le plus tard. A ce jeu, c’est Biaggi qui passera sous la ligne en 1er. L’ancien champion n’a rien perdu de sa superbe.
Une journée d'essai hors du commun
Après une bonne nuit de repos, revenons à notre RSV4. Bien qu'elle ait subie un changement radical de look en 2021, la belle sort toujours la bagatelle de 217ch pour un couple de 12,74 mkg. Pas besoin d’aller chercher beaucoup plus loin, la concurrence a déjà prit une baffe ! Une CBR 1000 RR-R SParrive à tenir un niveau de puissance équivalent mais rend la main avec un couple plus faible... Depuis sa sortie en 2009, la sportive Italienne truste les 1ere places de tous les comparatifs de la catégorie.
Les chiffres c’est bien, mais ça ne fait pas tout.Allons voir en live ce que ça donne, et surtout si Aprilia a pu encore améliorer le fleuron de la gamme. Et cet essai ne sera pas comme les autres. Aujourd’hui, nous sommes une poignée de veinards à pouvoir profiter de ce tracé -privatisé pour l’occasion. Ca, c’est déjà énorme. Mais la cerise sur la chantilly sur le gâteau, nous allons pouvoir suivre à tour de rôle un pilote (Biaggi, Vinales, Salvadori…) qui va nous indiquer les bonnes trajectoires et un instructeur filmera le tout par derrière pour ensuite nous faire une séance debriefing …… On n’est pas bien là !!!!
Elles sont prêtes, toutes en version Factory, posées sur les béquilles d’atelier, les couvertures chauffantes maintiennent les slicks Pirelli Diablo Superbike à température, on enfile au plus vite gants et casque, vite vite je veux y aller !!! Une fois démarré le moteur ronronne tranquillement, elle parait calme.., faussement calme. 1ere, c’est parti. Le court trajet sur la pit-lane pour accéder à la piste se fait sur un filet de gaz, en douceur ; et il en faut avec cette poignée. La moindre action un peu trop rapide sur celle-ci fait bondir la moto instantanément ; un appendice qu’il va falloir manipuler avec précaution …… L’entrée sur la piste se fait dans le 3eme virage suivant la ligne droite des stands...
Une accélération qui vous met sur orbite
GAZZZ !!!!!!!!! A peine la poignée vissée, le premier bout droit à déjà disparu. La moto est au-delà de l'accélération. Elle gicle comme un guépard à compresseur. Premier constat, pour qui en doutait, ça arrache, dès les bas régimes et en 2 temps : il y a un avant et un après l’ouverture de la valve d’échappement. Sur la 1ere partie du compte-tours (valve fermée), la poussée est déjà énorme avec une mélodie sportive mais douce. Mais ce n’est que le début, car le 4 cylindres en V est loin d'avoir livré tous ses secrets. Une fois la «valvola» ouverte, c’est spectacle son et lumière. Fini le ronron, l’échappement passe en mode heavy métal. On change de monde, avec une poussée hallucinante dans une vocalise aigüe parfaite. L e moteur vous catapulte littéralement jusqu’au rupteur à une cadence infernale, qui ne faiblit jamais, mais toujours en donnant cette sensation de ne pas être débordé par la machine. Vous avez intérêt à être bien calé sur la moto car elle ne vous attendra pas. Là, on est sur une moto de course. A peine le temps de profiter du son que les leds du compte-tours agitent le drapeau au rouge.
Un freinage qui ne manque pas de mordant
Le rupteur est déjà là. 3eme ! Ca pousse toujours aussi fort, et c'est la même chose sur tous les rapports. Saisissant, addictif, dingue... aussi dingue que la suavité des changements de vitesses avec ce shifter d’une douceur incroyable. Une gourmandise sous la botte, qui tranche avec la claque que le propulseur vous colle dans le dos à chaque relance. Il y a de quoi en mettre tout le temps, dans le chrono comme dans les tripes. Les yeux essaient de choper un point de repère pour caler des frenages dignes de ce nom. Pas simple tellement ça va vite. Ce qui met en évidence la protection de la RSV4, très efficace. Caché sous la bulle, le flux d’air ne vient pas vous perturber. Les sens sont en alerte et les lignes droites d’un circuit de GP semblent vraiment si courte qu’il faut déjà penser à freiner.
Après la claque de l’accélération, préparez-vous à celle du freinage.De ce côté c’est simple, elle est dotée de l’équipement de série le plus performant du moment : disques de 330 mm accouplés aux étriers Brembo Stylema et maitre-cylindre radial. Il faut bien ça pour freiner une telle fusée !Le principe est le même que pour la commande de gaz mais en inversée : tirez le levier avec douceur, vous serez ralenti. Tirez un peu plus, le train avant se cale et vous invite à lui en demandez plus ; toujours plus. Continuez à augmenter la pression sur la commande, la roue avant s’incruste dans le bitume, le potentiel est hallucinant et semble sans limites. La fourche joue également un rôle majeur dans cette étape. Elle encaisse toutes ces contraintes sans faiblir. Vous arrivez à lever la roue arrière sans même avoir l’impression d’être au bout de ces capacités. Bien entendu, l’électronique est paramétrable pour contrôler ce phénomène et réagit avant le pilote pour rétablir la situation, ce qui est plutôt rassurant. Savoir freiner est une chose, exploiter les capacités de ce système va en être une autre. Les limites sont clairement repoussées et les approcher demande un sacré niveau de pilotage.
Châssis et comportement
Venons en au châssis, avec du Ohlins à tous les étages, des jantes en alu forgées, un cadre à la réputation inébranlable, une partie-cycle impossible à prendre en défaut... encore une fois, un équipement top niveau. Au guidon, l’effet est indiscutable. La RSV4 ne souffre d'aucune réaction parasite, la mise sur l’angle se fait naturellement, sans forcer, et elle vous obéit quoi qu'il arrive. Elle suit la trajectoire que vous lui donnez, avec un sentiment de confiance de très haut niveau. De plus, Aprilia lui a donne de quoi réfléchir. Là aussi, le gap technologique est incroyable : vous êtes sur l’angle, ajoutez un peu de pression sur les commandes et vous resserrez la trajectoire avec facilité et précision ; c’est magique !! Sortie de virage, on commence à relever, on soude, la catapulte est relancée - ce moteur est hallucinant d’efficacité ! Les puces du traction control et du frein moteur qui s’ajustent en fonction de l’angle de la moto participent dans l’ombre à tout maintenir en ordre.
Un essai sous haute surveillance
L’heure est venu pour la séance coatching avec Luca Salvadori. Il me fait signe de le suivre dans la ligne droite avant «Curvone», le virage le plus insignifiant du circuit quand on regarde le plan, est également celui qui procure la plus forte montée d’adrénaline quand il s’agit de la passer à mach 2. Mon plan est simple, si je reste collé à lui en faisant pareil, pas de raison qu’il s’échappe…. 1ere ligne droite, je suis dans sa roue, entrée dans Curva del Carro, tout se passe bien. C'est en sortie que je n’ai pas compris comment il a fait pour quasi me laisser sur place. Pas grave, je le rattrape à l’entrée des stands et je tenterais un intérieur au bout de la ligne droite. Echec, il freine trop tard…. Enfin non, beaucoup BEAUcoup BEAUCOUP trop tard. Retour sur la partie du tracé que j’affectionne, le " Variante del Parco à Curva Del Rio". Sur la 1ere partie, j’arrive à rester dans le rythme, avec une énorme satisfaction. J'aborde la ligne droite à bloc avant le plus gros freinage à "Curva Quercia". Encore une fois sur l’entrée de courbe, j’y crois. Il est là, je vais me le faire…. Et soudain je me retrouve seul, son V4 l’a déjà propulsé sur "Curva Tramonto" dont il coupe la cassure sans toucher aux freins….impressionnant !!! Le tour magique s’achève, un nouveau prétendant prend ma place dans la roue du champion, j’emboite le pas….quel kiff !! Je sais que je vis un moment unique, mais le physique à prit une sacrée claque. Encore quelques tours avant le retour aux stands.... ouf ! Bien qu'à des années lumières de leurs performances, je sens déjà que mon corps à donné beaucoup. Juste quelques tours intenses et sublimes. Alors, je prends conscience que pour tenir un grand prix, il faut une condition physique hors normes. Personne n’en doutait, ce sont des champions !
Une moto d'exception qui demande une bonne préparation
Pour ceux qui connaissent les anciennes Ducati, vous avez ici la même rigueur du châssis mais dans un écrin bien plus confortable. Trouver les limites d’une telle machine demandera un peu voire beaucoup d’entrainement. Mais si vous n’avez pas le niveau, elle sera se mettre au votre et vous permettra de progresser. Attention cependant, si vous vous surestimez, elle répondra à vos attentes sans soucis, mais vous épuisera avant que vous ne l’ayez vu venir.
Lionel "Guido" Baffert - Photos Aprilia
